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lundi 11 août 2014

L'enjeu économique de la transmission des PME


On a souvent souligné la fragilité du tissu industriel français et l'absence de PME de taille suffisante pour affronter la concurrence internationale. Certains, pour expliquer cette situation, soulignent que des « seuils sociaux » et des réglementations contraignantes font hésiter les chefs d'entreprise à faire croître leur affaire et passer la barre des 10 puis des 50 salariés. Cette explication est probablement fondée mais elle n'est pas la seule. A entendre nos clients, force est de constater que la fiscalité de la transmission et du patrimoine est une cause essentielle du problème.
Pour faire grandir une entreprise, un des meilleurs moyens reste la croissance externe, qui consiste à rapprocher des entreprises complémentaires pour dégager des synergies. A tout moment de son existence, et pas seulement au moment de l'âge de la retraite de son fondateur, toute entreprise peut avoir intérêt à se vendre à une autre. Elle y trouvera un souffle nouveau, un nouveau style de management et les moyens financiers de son développement.
La fiscalité actuelle rend, hélas, ces rapprochements difficiles. Un chef d'entreprise qui vend son affaire avant de prendre sa retraite s'expose à payer un impôt sur les plus-values dont le montant reste imprévisible et peut varier au gré des lois de finances. Plus grave encore, le dirigeant qui aura vendu son entreprise et placé son argent sans prendre de risques verra ce patrimoine s'éroder en raison du poids de la fiscalité sur l'épargne et de l'ISF.
Nombre de nos clients, créateurs de leur affaire à trente ans, arrivent donc à l'âge de la retraite en restant aux commandes d'une entreprise qui finira inévitablement par s'étioler. Leur raisonnement est simple : à quoi bon céder une entreprise pour disposer d'un patrimoine qui ne rapportera rien et vivre plus tard d'une retraite souvent maigre.
Ils refusent donc de céder la place au risque d'être incapables de s'adapter aux défis nouveaux. Quelques fois, ce qui n'est pas beaucoup mieux, ils cèdent la nue-propriété ou la direction à des enfants qui n'ont pas leur talent. L'âge des dirigeants de PME s'élève et la fragilité du tissu industriel français continue d'inquiéter les experts.
Face à ces incohérences, le législateur semble ne pas se préoccuper de l'incidence économique de la fiscalité. Une longue tradition française, théorisée sous Louis XV par l'abbé Terray, considère que l'impôt ne consiste qu'à plumer l'oie sans la faire crier. Les chefs d'entreprise font d'assez bonnes oies qui crient assez peu. Mais il serait temps, pour libérer la croissance, de réfléchir aux conséquences de ces mesures. Quand diriger une PME devient essentiellement un moyen d'échapper à l'ISF… il ne faut pas s'étonner que la compétitivité de nos entreprises s'en ressente.
S'il était plus conscient de l'impact économique des mesures fiscales, le législateur pourrait envisager que le prix reçu pour la cession d'une entreprise reste exonéré d'ISF et que la fiscalité des plus-values soit ramenée à un barème proportionnel indépendant de la situation fiscale du cédant. Dans ces conditions, les chefs d'entreprise pourraient envisager sereinement la cession de leur affaire au meilleur moment. Les petites entreprises se regrouperaient autour des plus performantes d'entre elles pour devenir compétitives. Faute de favoriser ces rapprochements, nos PME sont condamnées à vieillir et, pour certaines, à mourir avec leurs dirigeants.



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