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lundi 20 octobre 2014

Le gouvernement ne comprend pas les termes de la loi ESS qu'il a fait voter !

Capture d'écran: http://www.fusacq.com/buzz/
Le gouvernement ne comprend pas les termes de la loi ESS qu'il a fait voter !
La loi Economie Sociale et Solidaire a été votée le 31 juillet 2014, et les articles 19 et 20 imposent dorénavant une obligation d'information des salariés avant toute cession, pour leur permettre de faire une offre de reprise.

17 octobre 2014 à 17h00 Damien NOEL, associé fondateur de FUSACQ

Les décrets d'application relatifs à ces deux articles sont en cours de rédaction et force est de constater que le gouvernement n'a toujours pas mesuré la signification de la loi qu'il a fait voter. Ainsi, il nous est répété que la seule obligation sera de dire aux salariés qu'une cession est à l'étude et qu'ils ont la possibilité de faire une offre. Nos gouvernants se trompent lourdement…
La loi, en effet, n'indique pas que les salariés peuvent faire part de leur souhait ou intérêt pour faire une offre. Elle mentionne bien que les salariés doivent avoir réellement la possibilité de faire une offre de rachat.
Quels que soient les décrets envisagés, ils ne pourront pas contredire ce qui est écrit dans la loi...

Concrètement, que va-t-il se passer lors d'une cession ?


Imaginons la communication faite par un dirigeant avant une cession : « Chers collaborateurs, je souhaite vendre ma société et, en tant que salariés, vous avez la possibilité de présenter une offre de rachat ».
Imaginons qu'un ou plusieurs salariés souhaitent effectivement présenter une offre de rachat. Leur réponse serait alors : « Cher dirigeant, nous vous informons que nous souhaitons utiliser la possibilité qui nous est réservée pendant 2 mois de présenter une offre de reprise. »
Réponse qui serait inévitablement complétée par : « Pourriez-vous donc nous fournir tous les documents nécessaires pour nous permettre de formuler cette offre de rachat ? ».
C'est ce qu'on appelle un corollaire en mathématique, une conséquence immédiate. Et un corollaire n'a pas besoin d'être écrit pour exister, il s'applique de fait.
Si le dirigeant venait à s'opposer à cette demande, les salariés seraient en droit d'affirmer qu'ils n'ont pas eu la possibilité de faire une offre.
Cette fois-ci c'est ce qu'on appelle la contraposée, si A implique B, alors non-B implique non-A : si pouvoir faire une offre de rachat implique d'avoir des informations complémentaires du cédant, ne pas avoir d'informations complémentaires du cédant implique de ne pas pouvoir faire une offre de rachat.
N'ayant légitimement pas pu faire d'offre, les salariés seraient alors en droit de contester la validité de la cession et tenter de la faire invalider.

Peut-on faire une offre d'achat sans information complémentaire ?
Pour que le corollaire évoqué ci-dessus n'existe pas, il faudrait donc qu'un salarié puisse faire une offre de reprise sans aucune information complémentaire à celles déjà en sa possession. C'est visiblement cela que pense le gouvernement ; un des arguments maintes fois avancé n'est-il pas que les comptes d'une entreprise sont publics et par conséquent accessibles à tous les salariés ?
Mais de nombreuses informations indispensables pour bien comprendre une entreprise et pour pouvoir présenter une offre de rachat ne se trouvent pas dans les comptes de la société. En outre, un chef d'entreprise qui clôture ses comptes au 31 décembre doit les publier avant le 31 juillet de l'année suivante. Ainsi, des salariés qui souhaiteraient faire une offre de rachat de leur entreprise au mois de juin, n'auraient comme seule base de travail que les comptes de l'année N-2 !

Les petites entreprises ne sont plus obligées de publier leurs comptes

Enfin, le gouvernement semble avoir oublié que depuis le 1er avril 2014, les entreprises de moins de 10 salariés et réalisant moins de 700.000€ de chiffre d'affaires peuvent demander,
lors du dépôt des comptes annuels au greffe, à ce qu'ils ne soient pas publiés
(Article L 232-25 du Code de commerce).
Dans ce cas, comment des salariés pourraient-ils faire une offre de rachat sur une entreprise quand ils ignoreraient jusqu'à son chiffre d'affaires et sa rentabilité ?
On peut sans doute décider de ne pas faire d'offre de reprise sans aucune information particulière, mais il ne sera jamais possible de présenter une offre de rachat d'une entreprise ou d'un fonds de commerce sur la seule donnée que son propriétaire est vendeur. Gageons que la réalité du terrain révèlera rapidement au gouvernement que la loi qu'il a fait voter est bien différente de celle qu'il imaginait…
Damien NOEL, associé fondateur de FUSACQ


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